Monday, May 07, 2007

SECTES & RELIGION


Les miracles d’Osborn en débats

Sur fond de miracles spectaculaires, la venue de l’évangéliste américain Tommy Lee Osborn a rencontré un grand succès médiatique. Non sans susciter la réserve, dans les milieux protestants, sur le procédé utilisé. Et dessiner de nouveaux rapprochements entre chrétiens. Lire la suite

La crise du monde moderne
Pour ceux qui n’en sont pas encore arrivés au point à partir duquel une direction infaillible ne permet plus de s’écarter de la vraie voie, les déviations les plus graves sont toujours à redouter ; la plus grande prudence est donc nécessaire, et nous dirions même volontiers qu’elle doit être poussée jusqu’à la méfiance, car " l’adversaire ", qui jusqu’à ce point n’est pas définitivement vaincu, sait prendre les formes les plus diverses et parfois les plus inattendues. Il arrive que ceux qui croient avoir échappé au " matérialisme " moderne sont repris par des choses qui, tout en paraissant s’y opposer, sont en réalité du même ordre ; et, étant donné la tournure d’esprit des Occidentaux, il convient, à cet égard, de les mettre plus particulièrement en garde contre l’attrait que peuvent exercer sur eux les " phénomènes " plus ou moins extraordinaires ; c’est de la que proviennent en grande partie toutes les erreurs " néo-spiritualistes ", et il est à prévoir que ce danger s’aggravera encore, car les forces obscures qui entretiennent le désordre actuel trouvent là un de leurs plus puissant moyen d’action. Il est même probable que nous ne sommes plus très loin de l’époque à laquelle se rapporte cette prédiction évangélique que nous avons déjà rappelée par ailleurs : " Il s’élèvera de faux Christs et de faux prophètes, qui feront de grands prodiges et des choses étonnantes, jusqu’à séduire, s’il était possible, les élus eux-mêmes. " Les " élus ", ce sont, comme le mot l’indique, ceux qui font partie de " l’élite " entendue dans la plénitude de son véritable sens, et d’ailleurs, disons-le à cette occasion c’est pourquoi nous tenons à ce terme " d’élite " en dépit de l’abus qui en est fait dans le monde " profane " ; ceux-là, par la vertu de la " réalisation " intérieure à laquelle ils sont parvenus, ne peuvent plus être séduits, mais il n’en est pas de même de ceux qui, n’ayant encore en eux que des possibilités de connaissance, ne sont proprement que des " appelés " ; et c’est pourquoi l’Evangile dit qu’il y a " beaucoup d’appelés, mais peu d’élus ". Nous entrons dans un temps ou il deviendra particulièrement difficile de " distinguer l’ivraie du bon grain ", d’effectuer réellement ce que les théologiens nomment le " discernement des esprits ", en raison des manifestations désordonnées qui ne feront que s’intensifier et se multiplier, et aussi en raison du défaut de véritable connaissance chez ceux dont la fonction normale devrait être de guider les autres, et qui aujourd’hui ne sont trop souvent que des " guides aveugles ". On verra alors si, dans de pareilles circonstances, les subtilités dialectiques sont de quelque utilité, et si c’est une " philosophie ", fût-elle la meilleure possible, qui suffira à arrêter le déchaînement des " puissances infernales " ; c’est là encore une illusion contre laquelle certains ont à se défendre, car il est trop de gens qui, ignorant ce qu’est l’intellectualité pure, s’imaginent qu’une connaissance simplement philosophique, qui, même dans le cas le plus favorable, est capable de remédier à tout et d’opérer le redressement de la mentalité contemporaine, comme il en est aussi qui croient trouver dans la science moderne elle-même un moyen de s’élever à des vérités supérieures, alors que cette science n’est fondée précisément que sur la négation de ces vérités. Toutes ces illusions sont autant de causes d’égarement ; bien des efforts sont par là dépensés en pure perte, et c’est ainsi que beaucoup de ceux qui voudraient sincèrement réagir contre l’esprit moderne sont réduits à l’impuissance, parce que, n’ayant pas su trouver les principes essentiels sans lesquels toute action est absolument vaine, ils se sont laissé entraîner dans des impasses dont il ne leur est plus possible de sortir.

Ceux qui arriveront à vaincre tous ces obstacles, et à triompher de l’hostilité d’un milieu opposé à toute spiritualité, seront sans doute peu nombreux ; mais, encore une fois, ce n’est pas le nombre qui importe, car nous sommes ici dans un domaine dont les lois sont tout autres que celles de la matière. Il n’y a donc pas lieu de désespérer ; et, n’y eût-il même aucun espoir d’aboutir à un résultat sensible avant que le monde moderne ne sombre dans quelque catastrophe, ce ne serait pas encore une raison valable pour ne pas entreprendre une œuvre dont la portée réelle s’étend bien au-delà de l’époque actuelle. Ceux qui seraient tentés de céder au découragement doivent penser que rien de ce qui est accompli dans cet ordre ne peut jamais être perdu, que le désordre, l’erreur et l’obscurité ne peuvent l’emporter qu’en apparence et d’une façon toute momentanée, que tous les déséquilibres partiels et transitoires doivent nécessairement concourir au grand équilibre total, et que rien ne saurait prévaloir finalement contre la puissance de la vérité ; leur devise doit être celle qu’avaient adoptée autrefois certaines organisations initiatiques de l’Occident : Vincit omnia Veritus.
René Guénon

Le blog de Cyparis propose une critique de l'oeuvre de René Guénon.