Monday, September 15, 2014

L'égorgement rituel des animaux



La pratique rituelle de l'égorgement d'animaux pleinement conscients serait très répandue en France.

« En France, 80% des ovins, 20% des bovins et 20% des volailles seraient abattus selon le rite halal », affirme un rapport du ministère de l'Agriculture et du ministère de l'Intérieur de septembre 2005 publié sur le site www.abattagerituel.com. « Les producteurs d'ovins et de bovins ont un intérêt économique puissant à organiser une complémentarité entre les circuits de distribution classique et halal à partir d'animaux abattus de façon rituelle », constate ce rapport. « Les morceaux arrière trouvent des débouchés auprès des consommateurs classiques alors que les avants et les abats s'orientent majoritairement vers les consommateurs musulmans », est-il écrit.

La généralisation de l'égorgement d'animaux sans étourdissement préalable est un nouveau scandale qui doit provoquer le boycott de la viande par tous ceux qui refusent la cruauté religieuse.

De plus, contrairement aux idées répandues par le lobby de la viande, l'abstinence de l'alimentation carnée est bénéfique pour la santé des consommateurs.


La viande et ses dangers

Vous serez peut-être étonnés d'apprendre qu'après le tabac et l'alcool réunis, la consommation régulière de viande constitue très certainement le plus important facteur de mortalité aux États-Unis et dans les autres pays industrialisés. Contrairement à l'opinion répandue, il est plus difficile d'équilibrer son alimentation en consommant de la viande qu'en s'en abstenant ; avec un régime végétarien il n'y a pas de risque de carences en protéines, et il n'est donc pas indispensable d'absorber des compléments alimentaires pour assurer ses besoins tant qualitatifs que quantitatifs.

Il y a déjà longtemps qu'une prise de conscience s'est faite quant aux effets tragiques de l'alcool et du tabac sur l'organisme humain. Par la suite, les scientifiques ont commencé à se préoccuper des effets de la consommation de viande sur la santé et la longévité. Leurs recherches ont démontré d'une manière incontestable les effets nocifs de la consommation régulière de viande ; les connaissances qui découlent de ces études nous donnent les moyens de préserver notre santé et d'améliorer notre espérance de vie.

Pendant ces dernières années tout spécialement, des études à grande échelle ont confirmé les vues de nombreux médecins et scientifiques qui étaient parvenus à la conclusion suivante : la consommation de viande est à éviter pour au moins six raisons :

1. Elle est l'un des facteurs de décès les plus importants dans les pays industrialisés.

2. Son coût est extrêmement élevé par rapport à sa valeur nutritionnelle.

3. Sa production entraîne un énorme gaspillage d'énergie.

4. Elle manque de deux éléments nutritifs essentiels les fibres végétales et les hydrates de carbone.

5. Contrairement à la croyance populaire il est difficile de parvenir à un bon équilibre nutritionnel en consommant régulièrement de la viande.

6. Une alimentation variée, sans viande, permet d'éviter beaucoup de problèmes de santé. [...]

L'état Nutritionnel des personnes ne mangeant pas de viande est excellent.

L'état nutritionnel des personnes ne mangeant habituellement pas de viande est tout à fait satisfaisant. Elles ont une plus grande espérance de vie, une mortalité près de deux fois plus faible que la moyenne pour les maladies coronaires et le cancer.

Des études de Hardinge comparant des végétariens complets à des lacto-ovo-végétariens et à des non-végétariens montrent que tous les végétariens absorbent suffisamment d'éléments nutritifs de toutes catégories.

Tous les groupes végétariens ont un apport alimentaire qualitatif et quantitatif qui correspond ou dépasse les recommandations du Conseil national de la recherche en matière de nutrition, à l'exception des adolescents végétariens complets qui sont en dessous des valeurs optimum mais en dessus des valeurs minimum. Ainsi rien ne laisse supposer, dans ces études, qu'une alimentation lacto-ovo-végétarienne pourrait entraîner une nutrition inadéquate, et ceci vaut également pour les femmes enceintes.

D'une manière générale, le poids, la taille et la pression sanguine étaient semblables dans tous les groupes, à l'exception des végétariens complets, qui étaient d'une dizaine de kilos en moyenne plus légers que les autres. Les protéines totales, les albumines, les globulines et d'autres valeurs sanguines ne présentaient pas de différences statistiquement significatives.

Les végétariens absorbent donc, en moyenne, une quantité de protéines tout à fait adéquate. Non seulement la quantité d'acides aminés essentiels de leur alimentation correspond aux besoins minimum mais elle dépasse souvent le double de ceux-ci.

Dr. John A. Scharffenberg.






L'Islam, mythe & réalité



En contre-feu aux violences et agressions commises un peu partout dans le monde au nom d'Allah et du Coran, des spécialistes ont tenu à rappeler à quel point l'histoire de l'islam fut une histoire de paix et de tolérance, et donc à quel point ceux qui se disent aujourd'hui les fidèles les plus zélés du Prophète sont en réalité les traîtres les plus déterminés de la foi musulmane. On arguera le fait qu'a la différence du christianisme, l'islam n'a, à l'exception notable du chiisme, ni clergé ni église et qu'il a toujours favorablement accueilli les juifs et chrétiens. On citera le bel exemple de l'Andalousie à la fois âge d'or de la civilisation musulmane et modèle de tolérance entre les religions.

Malheureusement, cette tolérance musulmane appartient davantage au mythe qu'a la réalité. Qu'on lise à ce sujet le livre d'Ibn Warraq, Américain d'origine pakistanaise, Pourquoi je ne suis pas musulman (aucun éditeur français ne voulut de la traduction et presque aucun journal français n'en a parlé. Aujourd'hui téléchargeable gratuitement). Il est, sur la question, l'un des ouvrages les plus solidement documentés et sa conclusion est sans appel. Dès l'origine, l'islam se présente comme la vérité dernière et définitive, les religions précédentes ne sont que des essais maladroits au mieux, des idolâtries à réprimer au pire. L'humanité est divisée en deux camps : celui des musulmans, promis à la paix, et celui des infidèles et des mécréants promis à la guerre. Pour les gens du Livre, c'est-à-dire les juifs et chrétiens, la soumission (la tolérance musulmane n'ira pas au-delà), pour les païens, la conversion ou la mort. Mahomet fut le seul prophète de l'histoire à avoir été un guerrier et cela n'a pas manqué d'influer sur l'histoire future. L'islam fut avec le christianisme la seule religion qui doit son expansion mondiale à la grâce des armes. Du Maroc à l'Indonésie, les peintures et sculptures furent détruites au nom de l'islam, et les femmes, voilées. Pourquoi la ville sainte la plus ancienne du monde, Bénarès, n'a-t-elle pas un seul temple remontant au-delà du XVIIIe siècle ? Parce que Aurangzeb, empereur musulman dévot, les a tous fait raser.

La réalité

Tournons-nous à présent vers le présent. Imaginons que vous soyez australien ou anglais, que vous ayez vingt-cinq ans, que vous vous détestiez vous-même et donc que vous détestiez le monde parce que rien dans le réel ne vous a vraiment intéressé et que vous n'avez jamais rencontré de femmes que vous ayez fait jouir et qui vous a fait jouir, que faites-vous, si vous voulez vraiment commettre le plus de mal possible pour que vous ayez enfin l'impression d'exister ? Vous vous convertissez à l'islam car ni le christianisme ni le judaïsme ni le bouddhisme ni le shintoïsme ni l'hindouisme ni l'animisme, ni l'agnosticisme ni l'athéisme ne vous donneront suffisamment de rage pour convertir votre haine en haine du monde, bénie par-dessus le marché par le Dieu tout puissant.

La vérité nous contraint à reconnaître que l'islam fut, avec le christianisme, la plus intolérante de toutes les religions et qu'à la différence du christianisme, elle l'est restée. Les salafites qui aujourd'hui sévissent un partout ne sont pas les fils dévoyés d'un islam doux et paisible. Cela ne signifie pas certes que les musulmans soient tous des fanatiques, ni que partout où l'islam l'a emporté le fanatisme a tout écrasé. Seulement, là où l'islam a manifesté plus de libéralités que de coutume, ce fut justement lorsqu'il relâcha son emprise. Avant Aurangzeb, musulman sinistre et fanatique, il y eut dans l'Inde des Moghols, au XVIe siècle, l'empereur Akbar, l'une des plus nobles figures de l'histoire universelle. Musulman, Akbar (dont le nom signifie « grand », on ne le sait que trop grâce aux vociférants « Allah akbar ! » qui ne présagent jamais rien de bon) réunissait dans sa cour de Delhi des juifs, des chrétiens, des parsis, des nestoriens et des bouddhistes. Il conçut ce projet utopique de fonder une religion nouvelle qui, à partir de l'islam, réunirait dans une unité syncrétique toutes les religions du monde. Le grand poète Kabir incarna cette « Foi nouvelle ». Celle-ci n'eut, on l'imagine, pas la possibilité de survivre à son fondateur. De même que les meilleurs souverains chrétiens ont été ceux qui se sont le plus efficacement éloignés des dogmes de l'Église (on songe à Henri IV en France ou à Joseph II en Autriche), les meilleurs musulmans furent ceux qui se rendirent indépendants de la lettre du Coran. On comprend, dans ces conditions, que la tolérance fut une fleur rare en terre d'islam.

Christian Godin
 
 
 

Merah & l'oligarchie



La mort de Mohamed Merah était-elle programmée ?

Denis Bloud soutient Marine Le Pen dans sa course à la présidence. Il ne peut pas être soupçonné de sympathie à l'égard des islamistes. Dans son e.journal, Denis Bloud écrit : « [...] je crois utile de faire remarquer que tout s’est passé comme si on avait voulu tuer Merah pour qu’il ne parle pas. Sinon, la méthode classique aurait simplement consisté à le surveiller discrètement et à l’appréhender par surprise, comme cela se fait habituellement, sans aller chercher les gros bras du Raid. Cela étant observé, on peut supposer ce que l’on veut quant aux ficelles cachées (Mossad, Al-Qaïda, etc.) mais j’attends des preuves objectives. »

Denis Bloud semble douter de la crédibilité de la déclaration du ministre chinois des Affaires étrangères,Yang Jiechi, qui dès le mercredi 21 mars aurait vu dans l'affaire Merah une manipulation visant à victimiser Israël ? Cette déclaration est probablement un hoax car il est impossible de remonter à des sources fiables. Cette prétendue information est attribuée à Xinhua (traduction de Das Baham). Or on ne trouve rien sur le site de Xinhua . http://www.xinhuanet.com/english/

En revanche, il est certain que Merah ne devait pas être capturé vivant. Même Christian Prouteau, l'ancien patron du GIGN, critique la calamiteuse intervention du RAID. « Il fallait le bourrer de gaz lacrymogène à très haute dose ("incapaciteur" respiratoire). Il n'aurait pas tenu cinq minutes. Au lieu de ça, ils ont balancé des grenades à tour de bras. Résultat: ça a mis le forcené dans un état psychologique qui l'a incité à continuer sa "guerre"», affirme-t-il à « Ouest France ».

Une autre certitude : l'affaire Merah profite à l'oligarchie. L'oligarchie règne en divisant. D'un côté, elle contribue à l'expansion de l'Islam, religion moyenâgeuse, incompatible avec le mode de vie occidental ; l'argent public finance souvent la construction des mosquées. De l'autre, elle génère des sentiments islamophobes et xénophobes afin de désigner une partie de la population, généralement issue de l'immigration, à la vindicte des autres Français. Dans les quartiers populaires, où règne la haine coranique de la modernité, on brûle les voitures des infidèles, des ouvriers « gaulois ». Et ces derniers se laissent séduire par le discours vindicatif du Front National et de l'UMP. Le milieu populaire s'enferme ainsi dans le cercle vicieux de la haine inter-ethnique . Mais le jour où le Coran sera remplacé par les textes de Bakounine ou de Karl Marx, les voitures des oligarques brûleront...

L'Archange empourpré



Shihnoddin Yahya Sohravardi fut un mystique et un doctrinaire persan qui vécut au XIIe siècle. Il est né en 1155 (549 de l'hégire) dans le nord-ouest de l'Iran, limitrophe de l'Azerbaïdjan. D'une famille aisée, il fit ses premières études à Marâgheb, dans sa province natale qui fut typologiquement le lieu sanctifié de l'hagiographie de Zoroastre et de l'Avesta. Il y avait aussi des communautés nestoriennes dans la province et, comme l'écrit justement Henry Corbin : « Ce double "voisinage" est à retenir ; il peut éclairer la première éclosion des projets de notre shaykh. »

Sohravarin, après un procès inique, mourut martyr à Alep, en Syrie, à trente-six ans, le 29 juillet 1191 (585 de l'hégire), pour avoir défendu ses idées — et sa foi — contre des juges sectaires et Saladin, champion d'une orthodoxie islamique impitoyable, qui venait d'essuyer une cuisante défaite trois semaines auparavant, à Saint-Jean-d'Acre, devant les croisés conduits par Richard Cœur de Lion.

Sohravardî a écrit une œuvre capitale qui le place parmi les plus grands de la pensée et aussi de la révélation divine. Il est, Pour les Iraniens, l'homme de la « résurrection », doctrine que l'on désigne simplement par le terme Ishrâq, la Lumière, celle du soleil à son lever, l'aurora consurgens, l'« orient » de la pensée, notre orient ésotérique à chacun de nous.

A travers sa foi islamique, Sohravardî a perpétué la pensée et la révélation zoroastriennes. Aujourd'hui encore, son empreinte est toujours forte en Iran — il a une école — et plus que jamais la « vision » qu'il à reçue de Dieu, la démarche ésotérique et les emprunts faits dans la cosmogonie de l'Avesta qu'il a introduits dans la religion islamique le placent au premier plan des grands découvreurs de ces continents inconnus du royaume de Dieu. Il eut une grande influence en Inde. C'est dire l'actualité de l’œuvre sohravardienne dans notre époque inquiète, attirée par les voies convergentes de l'Autre Monde et l'enrichissement qu'apporte son livre, l'Archange empourpré, remarquablement traduit du persan et de l'arabe par Henry Corbin. L'œuvre de Sohravardi doit être appréhendée par ses deux volets, apparemment opposés, mais qui finalement se complètent et forment un tout monolithique : la révélation et la doctrine une maïeutique qui se manifeste d'une manière récurrente à travers la mystique, celle-ci conduite par le Guide, l'ange de la Spiritualité — l'empourpré —, c'est-à-dire dont l'aile droite s'élève dans la Lumière et la gauche plonge dans les ténèbres. Ainsi, le message sohravardien est théophanique, initiatique et salvifique.

Qu'est-ce donc que l'auteur — l'architecte — d'une pareille perspective ? Un philosophe ? Un prophète — lui qui a osé déclarer qu'après Mahomet un autre prophète pouvait encore venir ? Un pèlerin de la Lumière ? C'est peut-être sous ce dernier vocable que l'on pourrait le mieux situer. Un homo viator, un homme du voyage, de l'initiation intérieure (pour lui, l'homme peut s'élever devant Dieu sans le secours d'un maître), un témoin du Verbe.

« Plus l'oiseau est intelligent, plus il va loin », écrit prophétiquement Sohravardi dans le Récit de l'Archange empourpré, l'un des quinze traités qui constituent son œuvre. Pour lui, « aller loin », c'est partir à la quête de la Source de Vie, chassant la mort par l'épée initiatique qui nous délivre de la « cotte de mailles » (les limbes). Ainsi, le Sage répond au disciple « Trouve la Source de Vie. De cette source fais couler l'eau à flots sur ta tête, jusqu'à ce que cette cotte de mailles [au lieu de t'enserrer à l'étroit] devienne un simple vêtement » qui flotte avec souplesse autour de ta personne. Alors tu seras invulnérable aux coups portés par cette Épée.»

Trouver la Source de Vie et peut-être encore aller au-delà, passer par la montagne de Qâf où se trouve l'arbre Tûba, se « retrouver » dans le miroir — le Graal, selon Sohravardi —, telle est l'une, des voies de l'initiation qui mène aux Verbes, lesquels aboutissent au Verbe. Car, poursuit le Sage : « Sache que Dieu Très Haut a eu certains nombres de Verbes majeurs (Kali-mat-é Kobra), émanant de l'éclat de son auguste Face. Ces verbes forment un ordre hiérarchique. Le Premier à émaner est le Verbe suprême.» (Traité VII, Le bruissement des ailes de Gabriel, § 7.)

Sohravardi nous convie au mépris des épreuves que nous devons endurer — même de notre vie —, à aller vers cette Source de Vie. Mais déjà son œuvre est elle-même une source claire, vivifiante, inépuisable. L'Archange empourpré est non seulement une « œuvre révélée », une doctrine — qui lui a coûté la vie —, mais un merveilleux chant d'amour à Dieu et aux hommes. Un livre essentiel que l'on garde au chevet.

Michel Hérubel

La radicalisation islamique en Occident



Les révolutions arabes ont provoqué un réveil islamique. Ce réveil se propagera-t-il dans les banlieues ? Doit-on redouter une radicalisation islamique en Occident ?

En France, l'engagement militant au nom de l'islam est le fait de jeunes musulmans de deuxième génération, acculturés, francophones, ayant une faible formation religieuse, scolarisés, mais en échec professionnel ou déçus par les perspectives de promotion sociale. Ils sont originaires des banlieues « chaudes », ont parfois un passé de petite délinquance mais ne sont pas tous des marginaux, loin de là : beaucoup en effet ont réussi leurs études mais n'ont pas trouvé de débouchés à la hauteur de leurs attentes. Ils acceptent des postes désertés par les « Français de souche » : maîtres auxiliaires en sciences dans les collèges difficiles, animateurs ou médiateurs dans les quartiers chauds. Bref, ils sont renvoyés au milieu qu'ils cherchent à fuir. L'islam est pour eux une occasion de recomposition identitaire et protestataire, qui se fait sous deux formes (compatibles entre elles) : la construction d'un espace islamisé local, autour d'une mosquée, l'accession à l'oumma par la participation à un réseau internationaliste. D'un seul coup, on est dans la cour des grands : on se construit contre la civilisation dominante, contre l'hégémonie américaine. Cette recomposition identitaire fondée sur l'islam explique aussi la présence de convertis : on n'est plus dans une situation de diaspora, mais de construction d'une identité protestataire. Il est significatif que ces jeunes ne retournent pas dans les pays d'origine de leurs parents (quand il y en a un) pour y mener le jihad, mais préfèrent se diriger vers les jihad en cours (Afghanistan), à la périphérie du monde musulman. Leurs références sont vraiment internationalistes.

Il s'agit bien de l'islamisation d'un espace de contestation sociale et politique et d'un nouveau tiers-mondisme, dont le symétrique et concurrent est le mouvement anti-mondialisation, qui recrute dans des milieux beaucoup plus intégrés. Personne ne milite plus dans les banlieues, sauf les militants islamistes. Or, beaucoup de jeunes trou-vent dans le discours anti-occidental des dirigeants néo-fondamentalistes en Europe un moyen de rationaliser leur exclusion et leur opposition. Abou Hamza et Qatada prêchent régulièrement sur le thème de la fallacité de l'intégration. « L'Occident a considérablement opprimé notre nation. Renforcer les racines de la religion dans notre nation, c'est rejeter l'idéologie occidentale », déclare Qatada. Il ne mentionne jamais le christianisme, mais toujours l'« Ouest », la culture et la société dominantes. Ils disent aux jeunes qu'ils seront toujours des exclus.

Quelles perspectives alors ? Les raisons de la réislamisation ne sont pas près de disparaître. Mais islamisation et radicalisation ne sont pas synonymes. Il convient d'abord de voir que beaucoup de ces retours paroxystiques à l'islam ne sont que des moments dans des histoires de vie autrement plus complexes. En Iran comme en France, il y autant d'anciens radicaux chez les musulmans modérés que d'anciens communistes chez les libéraux.[...] Nous pouvons dire que, certes, l'islam humaniste fait partie de la solution et non du problème. L'islam conservateur qui veut jouer la carte du multiculturalisme pour se faire reconnaître est par définition contraint à la négociation et à la recherche d'alliances (avec d'autres religions par exemple). C'est le cas en particulier des grandes organisations comme l'UOLF, qui ont choisi, contre la stratégie de rupture et d'internationalisation, la négociation sur une base moins idéologique que de logique d'organisation (impossibilité de rester marginale). La plupart des imams de mosquée sont dans une quête de reconnaissance, voire de notabilisation (être reçu par le préfet au même titre que l'évêque, participer aux commissions administratives et aux plateaux de télévision). La stratégie de ghetto prônée par les néo-fondamentalistes pose ses propres limites, car elle s'applique d'abord contre les autres musulmans ; le phénomène de la communauté locale autour d'un imam charismatique isole plus qu'il ne fait tache d'huile.

Restent les réseaux radicaux internationalistes. Ils sont et resteront marginaux tant qu'il n'y aura pas une véritable stratégie pour déterminer leur action. Le succès de l'opération du 11 septembre ne doit pas masquer le fait qu'il s'agit d'un acte gratuit, détaché de toute réelle stratégie. Ses seuls effets stratégiques sont la reformulation par les Américains de la menace et de la manière d'y répondre. Quelles que soient les critiques que l'on émette envers la réponse américaine, une conclusion s'impose : l'initiative est à Washington, et non pas dans les grottes d'Afghanistan où pourrait survivre un état-major ben-ladeniste.

Le problème de la radicalisation telle qu'elle existe autour d'Al-Qaïda est qu'elle ne correspond en rien à la constitution d'un mouvement de type révolutionnaire. Ce n'est ni le Parti communiste, ni l'ETA basque ou l'IRA irlandaise, ni le PKK kurde. Il n'y a ni parti politique organisé ni organisations frontistes pour mobiliser les masses, ni relais dans la société (syndicats, associations d'étudiants, de femmes, de jeunes, etc.), ni presse, ni compagnons de route. Bref, le peuple est laissé sur le bord de la route, en téléspectateur ou en amateur de jeux vidéo. Al-Qaïda n'est qu'une secte, millénariste et suicidaire.

Or cette conclusion n'est pas seulement nôtre : elle a été aussi tirée par bien des néo-fondamentalistes radicaux. Ben Laden a lancé le jihad et il a échoué. Bien plus, la riposte américaine a partout nui aux musulmans, qu'il s'agisse des combattants tchétchènes ou palestiniens, ou tout simplement des clandestins paisibles qui faisaient leur « trou » en Amérique. Le débat rappelle celui qui était récurrent entre organisations gauchistes et léninistes dans les années 1920 et 1930: le rapport entre la mobilisation politique des masses et le déclenchement de la révolution. Faut-il mobiliser les masses par l'action ou bien privilégier le travail politique en profondeur, la conscientisation et la mobilisation ? Bin Laden a choisi l'action, et il a échoué. Aujourd'hui, les autres organisations rappellent qu'elles ont toujours insisté sur le caractère préalable de la da' wat — la prédication —, et elles sont confortées dans ce choix. Les organisations dawatistes (Hizb ut-tahrir, Tabligh, salafistes) ne sont pas touchées par l'échec de Ben Laden et vont continuer leur travail. Mais ici aussi le mouvement pose ses propres limites : en insistant sur la réislamisation au lieu de la conversion, il reste enfermé dans une population musulmane qui est en situation de minorité. Il contribue à créer des isolats, qui ne pourront peser à long terme sur la vie politique qu'en se banalisant à leur tour. Nous ne pouvons que répéter ce que nous disons depuis des années : la réislamisation peut poser des problèmes de sécurité et de société, mais elle n'est pas une menace stratégique.

Olivier Roy

Mohamed Merah et le terrorisme issu de l'immigration



Pour Olivier Roy, spécialiste de l'islam politique, « les militants islamistes impliqués dans des réseaux accusés de terrorisme sont de parfaits produits de l'occidentalisation et de la globalisation. [...]

Les auteurs de l'attentat contre des touristes commis à Marrakech au Maroc, poursuit Olivier Roy, sont des jeunes venus de la cité des 4 000 à La Courneuve (en région parisienne). Ils se sont radicalisés sous l'influence d'un Marocain travaillant en France comme enseignant de collège, Abdellah Ziyad. Redouane Hammadi (né en 1970, pas spécialement religieux) est parti à Peshawar en mai 1992, avec Abdelkrim Afkir. Il a participé ensuite en France à une série de hold-up, puis s'est rendu au Maroc, avec Stéphane Aït Iddir né en 1975, fils de harki, pour perpétrer l'attentat. En 1995, c'est le groupe de Khaled Kelkal, né en France et réislamisé en prison, qui a commis une série d'attentats meurtriers : contre le TGV (26 août 1995), à la station de métro Maison-Blanche et dans le RER au musée d'Orsay (17 octobre). Khaled Kelkal a été tué le 28 septembre 1995 par la police. Le groupe était composé de jeunes venus surtout de la banlieue lyonnaise.

En mars 1996, une fusillade a éclaté entre la police et un groupe de jeunes délinquants à Roubaix, faisant quatre morts. Le « gang » dissimulait aussi un réseau islamiste, avec deux convertis, Christophe Caze et Lionel Dumont. Le groupe s'était rencontré à la mosquée de Villeneuve-la-Garenne (Hauts-de-Seine) et à celle de la rue Archimède à Villeneuve-d'Ascq (Nord). Lionel Dumont (issu d'une famille ouvrière) et Mouloud Bouguelane (élevé par des parents adoptifs avec qui il a rompu) sont allés se battre en Bosnie. De retour en France, ils ont commis une série de hold-up. Dumont a épousé une jeune Bosniaque, s'est réfugié en Bosnie, a été condamné pour l'attaque d'une poste, puis a disparu mystérieusement. Trois survivants, Omar Zemmiri (35 ans en 2001), Hocine Bendaoui (24), tous deux franco-algériens, ainsi que Mouloud Bouguelane ont été condamnés par un tribunal français en 2001. Derrière le groupe, se profile un réseau plus vaste, dirigé du Canada par Fateh Kamel, avec Saïd Atmani, Mustafa Labsi et Ahmed Ressam.

Dans tous ces cas, on trouve le même schéma : un commanditaire politisé (Abdellah Ziyad pour l'attentat de Marrakech, Ali Touchent pour l'affaire Kelkal, Fateh Kamel pour le groupe de Roubaix) recrute des jeunes, en général entraînés dans la petite délinquance, pour qui l'origine ethnique compte moins que le fait d'être socialement marginalisés et de se retrouver sur le tard une identité purement islamique, alors qu'ils n'ont aucune réelle pratique ou connaissance religieuse antérieure.

En octobre 1999, Ahmed Ressam a été arrêté à Seattle en possession d'explosifs avec lesquels il voulait faire sauter l'aéroport de Los Angeles. Né en Algérie, où il n'a eu aucune activité politique ni religieuse, il s'est installé à Marseille à l'âge de 18 ans, et c'est au cours de ce séjour de plusieurs années en France qu'il s'est réislamisé. Puis il est parti au Québec, où il a partagé un appartement avec Fateh Kamel. Il a fréquenté une mosquée radicale, dirigée par Abderraouf Hanashi, est parti en Afghanistan en 1998 pour six mois et est revenu à Montréal. Il a été contacté par un Mauritanien, Ould Slahi, qui lui a remis de l'argent pour préparer l'attentat.

Né le 14 mars 1960 à El Harrach, dans les faubourgs du sud d'Alger, Fateh Kamel a immigré en France puis au Canada, en 1987. Il a obtenu la citoyenneté canadienne sans difficulté. Il s'est marié avec une Gaspésienne, Nathalie B. Après avoir ouvert un commerce à Montréal, il s'est joint pendant un temps à la firme d'import-export Mandygo, spécialisée dans l'importation de cigares cubains à Saint-Laurent. Il a combattu en Afghanistan en 1990, puis en Bosnie, où il a rencontré des membres du gang de Roubaix. Il a été extradé de la Jordanie vers la France en avril 1999, sous l'accusation d'être l'émir du gang de Roubaix. Son ami le plus proche, Mohammed Omary, habitait également à Montréal. Tout comme lui, il s'est rendu en Bosnie. Né au Maroc, Omary est arrivé au Québec en 1984, à l'âge de 17 ans. Il a obtenu la citoyenneté canadienne, étudié à l'École des Hautes Études commerciales et à l'École polytechnique. Père de famille (dont un fils qui s'appelle Oussama), il a suivi des cours chez Microsoft.

Les pilotes des avions-suicides contre le World Trade Center — Mohammed Atta, né en 1968 en Égypte; Marwan al-Shehi, des Émirats arabes unis, né en 1978; et Ziad Jarrahi, né au Liban en 1975 — sont tous de familles aisées et ont mené une vie très occidentalisée. Ils ont quitté leurs pays respectifs, entre 1992 et 1996, pour Hambourg où ils étudiaient l'architecture, l'ingénierie ou bien à l'université de sciences appliquées. Peu à peu, ils se sont réislamisés dans le cadre de la mosquée Al Quds, où ils se sont rencontrés. Leur famille avait de moins en moins de nouvelles d'eux. En 1997, tous sont allés en Afghanistan, d'où ils sont revenus un an plus tard. En mai-juin 2000, ils sont partis aux États-Unis où ils se sont inscrit dans des écoles de pilotage.

Zacarias Moussaoui est né en 1968 à Saint-Jean-de-Luz, d'une mère non pratiquante, divorcée à 24 ans. Il a passé son bac et est parti en Grande-Bretagne en 1992. Il a fréquenté la mosquée de Brixton, comme d'autres radicaux (Richard Reid), c'est apparemment là qu'il s'est réislamisé. Il a vu sa mère pour la dernière fois en 1997 et a été arrêté en août 2001 dans une école de pilotage américaine.

Parmi les prisonniers de Guantànamo, on trouve plusieurs Britanniques. Feroz Abbasi est né en Ouganda d'une famille originaire du sous-continent indien qui s'est installée à Croydon, il a des demi-frères chrétiens, suite au remariage de sa mère. Il a fait de bonnes études, n'apparaissait pas spécialement comme musulman pratiquant, puis a fréquenté Finsbury Park : il a rompu avec sa famille et a disparu en Afghanistan. Asif Iqbal (20 ans) et Shafiq Rasul (24 ans) sont tous les deux originaires de Tipton, ainsi qu'un troisième garçon, resté à Kandahar (Ruhal Ahmed, 20 ans). Rasul était perçu comme non-pratiquant, portait des vêtements Armani et avait une petite amie appelée Shirley. Iqbal buvait, draguait, puis déclara qu'il allait au Pakistan pour contracter un mariage arrangé. Le Français Hervé Djamel Loiseau, mort en Afghanistan en novembre 2001 à l'âge de 28 ans, est né à Paris, d'un père algérien non pratiquant et d'une mère française. Il est parti en Arabie Saoudite en mars 1998, puis deux ans plus tard au Pakistan.

Le réseau Beghal, démantelé lors de l'été 2001, reposait sur le même type d'acteurs. Djemal Beghal (qui projetait un attentat contre l'ambassade américaine à Paris) est un Algérien de 36 ans, habitant Corbeil-Essonnes et marié à une Française. Il a vécu à Leicester (mosquée de l'imâm Abou Abdallah, proche d'Abou Qatada) et a rencontré Reid et Moussaoui. En 2000, il s'est rendu en Afghanistan avec sa femme (voilée) et ses enfants, et a été arrêté au retour. Un autre membre du réseau, Kamel Daoudi, lié à Beghal, a été arrêté en Angleterre, en liaison avec Beghal. Agé de 27 ans, né en Algérie, venu en France à l'âge de 5 ans, il a passé son bac à 17 ans et est devenu informaticien. Il a rompu avec son père en 1995, mais, bien intégré, il a travaillé pour la mairie d'Athis-Mons (91) comme informaticien. Il est allé en Afghanistan, a rencontré Beghal, est revenu avec lui à Leicester. Il a épousé une Hongroise en passant par Internet et l'a répudié trois ans plus tard parce qu'elle refusait de porter le voile. Nizar Trabelsi, footballeur d'origine tunisienne, 31 ans et vivant en Belgique, était réputé dealer et consommateur de drogue (noter, entre parenthèses, que le foot et le business comme moyens d'ascension sociale pour enfants d'immigrés et l'islam comme moyen de s'en sortir sont aussi des schémas récurrents).

Un cas intéressant est celui du Pakistanais Cheikh Omar (responsable de l'enlèvement du journaliste David Pearl en janvier 2002 à Karachi), membre fondateur du Jaysh-i Mohammed, un des mouvements les plus radicaux du Pakistan. Il est né à Londres en 1973 d'une famille pakistanaise aisée qui est retournée au Pakistan ; il a fréquenté la London School of Economics, est allé en Bosnie en 1993, en Afghanistan en 1994, puis en Inde, où il a pris quatre touristes en otages et a obtenu la libération de Massoud Azhar. Il serait impliqué dans le transfert d'une somme de dix mille dollars destinés à Mohammed Ana. Ici, on voit un mouvement radical régional directement impulsé par un pur produit de l'islam en Europe. »

Olivier Roy

L'innocence des musulmans



L'innocence des musulmans est un « film créé pour jeter de l'huile sur le feu », affirme l'animateur de Radio Libre Expression dont l'analyse n'est pas dénuée d'intéressantes réflexions, notamment sur les croyances religieuses et l'au-delà.

Le film est coproduit par un copte égyptien Nakoula Basseley Nakoula, alias Sam Bacile (?), et des évangélistes de la mouvance extrémiste du pasteur Terry Jones. Le réalisateur est un auteur de films pornographiques nommé Alan Roberts.

L'innocence des musulmans permet aux fondamentalistes, comme les Wahhabites et les salafistes, de passer à l'action. Ils se sont rassemblés illégalement à Paris, pratiquement sous les fenêtres de l’Élysée.

Pour Ian Hamel, journaliste spécialiste du terrorisme et des services secrets, le wahhabisme et le salafisme ont un objectif commun : l'assaut du monde musulman.

« Le wahhabisme est un dogme musulman spécifique apparu au XVIIIe siècle dans la péninsule Arabique. C'est une variante d'une des quatre écoles juridiques reconnues chez les musulmans sunnites, l'école hanbalite, considérée comme la plus rigoriste et la plus puritaine. Parmi les trois autres écoles juridiques, le rite hanafite prédomine dans l'ancien l'Empire ottoman, dans les républiques musulmanes d'Asie centrale, ainsi qu'en Inde. Le rite malakite est, lui, implanté dans le Maghreb et en Afrique occidentale. Tandis que les shafi'ites sont majoritaires en Asie, et les hanbalites en Arabie Saoudite.

Le wahhabisme est un islam intransigeant. Lorsqu'en 1924 Ibn-Séoud, ardent défenseur du wahhabisme, s'empare de La Mecque, il fait détruire les tombes des Hachémites, descendants du Prophète (et grands rivaux des Séoud), sous prétexte qu'il est interdit de révérer quiconque autre que Dieu, même pas le Prophète. Peu après, le roi rase la tombe d 'Ève à Djedda pour « mettre fin aux superstitions ». Toutefois, les partisans de cette secte refusent le mot « wahhabite ». Ils s'appellent eux-mêmes Muwahhidun (Unitariens).

C'est Ibn Abd Al-Wahhab (1703-1792) qui fonde ce mouvement politico-religieux dans la région du Nadjd, le centre désertique de la péninsule. « Il a ensuite conquis toute l'Arabie jusqu'aux confins du Golfe, grâce à l'alliance indéfectible, conclue vers les années 1744-1745, avec Ibn saoud "au nom de Dieu et de son prophète". C'est le pacte de Nadjd », résume Hamadi Redissi, professeur à la faculté de droit de Tunis . C'est la version islamique du sabre et du goupillon.

Le chef de tribu Mohamed Ibn Séoud, ancêtre et homonyme du futur roi d'Arabie Saoudite, donne sa fille à marier au théologien Ibn Abd Al-Wahhab, la condamnant à une ascèse extrême. La jeune épouse se voit interdire la musique, la poésie, le port de la soie, la sculpture, et même le rire.

Le marché passé entre le guerrier impitoyable et le prédicateur illuminé se résume ainsi : les Séoud imposent le wahhabisme sur leurs territoires et, « en échange, les wahhabites garantissent l'obéissance des fidèles au pouvoir ». Le puritanisme extrême se double d'un conservatisme tout aussi inébranlable.


Deux siècles plus tard, en 1932, lors de la création de l'Arabie Saoudite, le pacte de Nadj est toujours en vigueur. Les mœurs et la religion sont immuables. Ibn-Séoud confine ses sujets dans leurs traditions : « Il interdit les films et la musique de jazz sur toute l'étendue de son territoire. Il demanda aux directeurs américains de ne pas embaucher de Juifs », raconte Jacques Benoist-Méchin . Néanmoins, les oulémas (docteurs de la loi musulmane) les plus conservateurs jugent Ibn-Séoud encore trop progressiste. L'automobile, l'avion, le téléphone, la radio, sont tout de même des inventions sataniques... Les châtiments corporels s'appliquent toujours. On continue à couper la main des voleurs. Sous la pression des Américains, le roi tolère que le sabre du bourreau soit désinfecté, et que le moignon, après l'amputation, soit badigeonné au Mercurochrome. Le 3 août 2005, quand les grands oulémas prêtent serment d'allégeance au nouveau roi Abdallah, sixième monarque de la dynastie, c'est Abdelaziz Al-Cheikh, grand mufti et descendant d'Ibn Abd Al-Wahhab, qui conduit la délégation.

Dans Les Filles de Riyad, un roman interdit en Arabie Saoudite, traduit en français en 2007, la Saoudienne Rajaa Alsanea, vingt-cinq ans, installée à Chicago, aborde le sujet sensible des relations entre les filles et les garçons. Lamis et Ali, sans liens de parenté et non mariés, commettent l'impensable : ils se retrouvent ensemble dans un café. Ils sont aussitôt arrêtés par la brigade pour la prévention du vice et la protection de la vertu. Quelques heures d'interrogatoire plus tard, des responsables de la brigade alertent le père de Lamis et l'informent que sa fille « était à présent en état d'arrestation [...] et qu'il fallait qu'il vienne la chercher après avoir signé une déclaration selon laquelle il s'engageait à ne pas la laisser recommencer à porter atteinte aux bonnes mœurs ». Quant à Ali, « son châtiment serait autrement plus dur ». Pour la brigade, Ali est un « hérétique », car il est... chiite.»

L'Arabie Saoudite, précise Ian Hamel, « avec des comités de la commanderie de la vertu et de l'interdiction du vice, composés de mutawaa (contrôleurs des mœurs), qui interviennent à tout instant dans la vie quotidienne, on y est fouetté si l'on oublie l'une des cinq prières quotidiennes, si on ne respecte pas le jeûne du ramadan, si le voile féminin laisse échapper une mèche de cheveux. Les femmes demeurent mineures à vie, n'ont ni papiers d'identité ni permis de conduire, et doivent obtenir le consentement de leurs tuteurs avant d'être hospitalisées (dans ce dernier cas, la situation vient juste de changer, une femme peut dorénavant décider seule d'entrer en clinique). [...]

Les Frères musulmans apparaissent moins sectaires, plus pragmatiques, plus politiques que les wahhabites. Mais existe-t-il une différence fondamentale entre eux ? Pas vraiment. Ce sont des salafistes, des adeptes d'une doctrine religieuse qui s'inspire exclusivement des textes juridiques des pieux ancêtres (salaf sâlih) : les oulémas des premiers siècles de l'islam et les compagnons du Prophète . Selon eux, l'islam a connu à cette époque une gloire et un rayonnement inégalés. Pour retrouver cet âge d'or, il faut revenir à l'islam des origines, et faire table rase de toutes les évolutions novatrices. Frères musulmans et wahhabites font du Coran et de la Sunna (la vie du Prophète) une lecture fondamentaliste, voire littéraliste. Tout effort d'interprétation fondé sur la raison humaine est « perçu comme une altération du message religieux qui doit exclusivement se référer, selon la tradition salafiste, à la raison divine », souligne Dominique Thomas, spécialiste des questions islamistes et du Proche-Orient. »

Ian Hamel

La face cachée de l'islam



La mondialisation a-t-elle un caractère foncièrement antitraditionnel qui s'oppose à toute véritable spiritualité, et tend-elle à constituer une contre-tradition planétaire ? Pour finaliser cette contre-tradition et permettre le triomphe total de la hiérarchie malfaisante actuellement à l'œuvre dans l'ombre de la mondialisation, l'islam authentique est-il le dernier obstacle à abattre ? Pour détruire l'islam, les fanatiques religieux et les faux instructeurs spirituels sont certainement plus efficaces que les GI américains.

Roger Maridort est l'auteur de l'avant-propos du livre de René Guénon « Aperçus sur l'ésotérisme islamique et le Taoïsme » :

« Dans l'Islamisme, a écrit Guénon, la tradition est d'essence double, religieuse et métaphysique ; on peut qualifier très exactement d'exotérique le côté religieux de la doctrine, qui est en effet le plus extérieur et celui qui est à la portée de tous, et d'ésotérisme son côté métaphysique, qui en constitue le sens profond, et qui est d'ailleurs regardé comme la doctrine de l'élite ; et cette distinction conserve bien son sens propre, puisque ce sont là deux faces d'une seule et même doctrine. »

Il convient d'ajouter que, pour Guénon, l'ésotérisme est toujours et partout le même, quels que soient les noms qu'on lui donne suivant la variété des pays et des traditions, Si la connaissance véritable de l'ultime Réalité est l'objet final de la recherche ésotérique, les méthodes utilisées, bien que souvent analogues, ne sont pas forcément identiques ; elles peuvent varier comme varient aussi les langues et les individus. « La diversité des méthodes, nous écrivait Guénon le 3 octobre 1945, répond à la diversité même des natures individuelles pour lesquelles elles sont faites ; c'est la multiplicité des voies conduisant toutes à un but unique. »

Dans ce petit livre, nous avons réuni en chapitres un certain nombre d'articles anciens relatifs au taçawwuf (soufisme), c'est-à-dire à l'ésotérisme islamique. On complétera non seulement par quelques passages qui y font allusion dans ses différents ouvrages, notamment dans Le Symbolisme de la Croix, mais aussi par deux articles reproduits dans les Symboles fondamentaux : « Les mystères de la lettre Nûn » et « Sayful-Islam ».

Nous avons donné comme premier chapitre l'article sur Ésotérisme islamique, paru dans Les Cahiers du Sud, bien qu'il soit postérieur aux autres pour la date de parution, parce que c'est celui qui précise le mieux les particularités de l'initiation dans l'Islam, et définissant les notions fondamentales du soufisme : Shariyah – Tarîqah – Haqîqah ; la première constituant la base exotérique fondamentale nécessaire ; la seconde la Voie et ses moyens ; la troisième le but ou le résultat final. Dans les autres chapitres, Guénon expose avec sa clarté synthétique habituelle ce qu'est le Tawhid et le Faqr, et donne des exemples de sciences traditionnelles à propos de l'Angélologie de l'alphabet arabe, de la Chirologie et de la Science des lettres.

René Guénon a longuement parlé, notamment dans les Aperçus sur l'initiation, Le Règne de la quantité et les signes des temps et Initiation et réalisation spirituelle, de ce qu'il a appelé la « Contre-initiation » et la « Pseudo-initialion ». Les auteurs arabes ont traité aussi de cette question à propos des awliyâ es-shaytân et à propos des « faux soufis » qui sont, dit l'un d'eux, « comme des loups parmi les hommes ».


Abû Ishaq Ibrâhim al-Holwâni demandait un jour à Hussein ibn Mançûr al-Hallâj ce qu'il pensait de l'enseignement ésotérique. Al-Hallâj lui répondit : « Duquel veux-tu parler, du vrai ou du faux ?  S'il s'agit de l'ésotérisme vrai, la voie exotérique (sharîyah) est son aspect extérieur et celui qui la suit vraiment découvre son aspect intérieur qui n'est autre que la connaissance d'Allah ; quant au faux ésotérisme, ses aspects extérieurs et intérieurs sont tous les deux plus horribles et détestables l'un que l'autre. Tiens-t'en donc à
l'écart. »

Guénon dira semblablement : « Quiconque se présente comme instructeur spirituel sans se rattacher à une forme traditionnelle déterminée ou sans se conformer aux règles établies par celle-ci ne peut avoir véritablement la qualité qu'il s'attribue ; ce peut être, suivant les cas, un vulgaire imposteur ou un " illusionné ", ignorant les conditions réelles de l'Initiation ; et dans ce dernier cas plus encore que dans l'autre, il est fort à craindre qu'il ne soit trop souvent, en définitive, rien de plus qu'un instrument au service de quelque chose qu'il ne soupçonne peut-être pas lui-même. »

Le denier chapitre est consacré au Taoïsme et au Confucianisme. Il montre que la différence entre l'ésotérisme et I' exotérisme se rencontre également dans les formes non religieuses de la Tradition, Et c'est normal, puisqu'il s'agit la, tant pour les rites que pour la perspective, d'une différence de nature et même de nature profonde.

Beaucoup plus ancien que La Grande Triade, le dernier livre que Guénon ait publié de son vivant, et où il a parlé le plus de la civilisation chinoise, cet article contient une réflexion finale qui ne manque pas d'intérêt. Guénon y déclare en effet que quelles que soient les conditions cycliques qui pourront entraîner la disparition plus ou moins complète de l'aspect extérieur de la tradition chinoise, l'ésotérisme de celle-ci, le Taoïsme, ne mourra jamais, parce que, dans sa nature essentielle, il est éternel, c'est-à-dire au-delà de la condition temporelle.


Roger Maridort


Israël État paria



« Un document supposé être confidentiel, élaboré par le Centre de recherche politique du ministère israélien des Affaires étrangères, a fait l'objet de fuites, en octobre 2004. Son contenu était explosif et remettait profondément en cause la poursuite de l'occupation des territoires palestiniens ou d'une partie d'entre eux en comptant sur le soutien américain.

D'après le rapport en question, cette stratégie conduit Israël dans une impasse. Les auteurs estiment, en effet, que l'État hébreu pourrait à terme entrer en confrontation avec l'Union européenne et devenir un véritable « État paria », comme le fut l'Afrique du Sud de l'Apartheid si le conflit avec les Palestiniens n'est pas résolu de façon satisfaisante et juste. Les analystes du ministère israélien appuyaient leur raisonnement sur l'hypothèse d'une montée en puissance, dans le concert international, de l'Europe alors que, simultanément, les États-Unis verraient leur influence internationale décroître. Acceptons-en l'augure. Si les vingt-sept pays membres de l'Union dépassent leurs divisions internes, et parlent d'une seule voix, leur influence globale pourrait s'accroître considérablement et se proportionner à leur puissance économique.

Les spécialistes israéliens en question ont paradoxalement une conscience plus fine et avisée des capacités d'intervention de l'Union européenne que de nombreux responsables européens eux-mêmes. Jusqu'ici, l'Europe s'est divisée sur les sujets de politique étrangère, comme, par exemple, la guerre d'Irak. Les chercheurs du ministère israélien des Affaires étrangères prédisent que, si elle fait entendre sa voix de façon plus accordée, elle pourra sans doute demander à Israël un plus grand respect des conventions internationales et limiter sa liberté d'action dans le conflit avec les Palestiniens.

Israël pourrait également payer le prix d'une compétition plus serrée entre les États-Unis et l'Union européenne. Si cette dernière et Israël ont des relations profondes et étroites dans le domaine du commerce et de la recherche scientifique, elles ont des opinions très différentes concernant les Palestiniens. Jusqu'ici, Israël a réussi à tenir l'Europe en dehors du volet stratégique et a préféré construire une alliance unique avec les États-Unis. Mais mettre tous ses œufs dans le panier américain pourrait conduire à son isolement. L'Europe ne peut plus être seulement considérée, au Proche-Orient et ailleurs, comme un grand marché avec lequel on fait des affaires. Et, même si l'Europe est le principal partenaire commercial d'Israël (40 % des importations d'Israël viennent de l'Union européenne, qui absorbe 30 % de ses exportations), les pays de l'Union n'accepteront plus longtemps d'être cantonnés dans un rôle de soutien financier ou technique. Ils ont un rôle à jouer dans la stabilisation du Proche-Orient et veulent le jouer. »

Pascal Boniface, Vers la 4e guerre mondiale.
 
 

Le sionisme en Palestine-Israël



Depuis quelque quatre-vingts ans, et plus précisément depuis 1922, date où la Grande-Bretagne reçut en charge, de la part de la Société des Nations, un Mandat sur la Palestine à la suite de la défaite des empires centraux, depuis 1947 surtout, date où l'ONU scinda le pays pour y créer deux États, l'un juif, l'autre arabe, il ne s'est guère passé de jour sans que les journaux ne nous apportent une information relative à cette région du Proche-Orient où s'affrontent de façon ininterrompue et plus ou moins violente deux communautés : les Juifs d'une part, les non-Juifs d'autre part, ces derniers étant représentés avant tout par des Arabes musulmans.

Les informations n'ont donc pas manqué sur ce sujet. Pourtant, une fraction notable des Occidentaux, notamment dans l'élite intellectuelle et politique, est comme indifférente au drame quotidien qui se joue en Palestine. Un phénomène banal d'accoutumance et de lassitude en est sûrement une raison notable, mais plusieurs éléments sont venus néanmoins y contribuer puissamment.

Le premier élément favorable au développement de l'idéologie sioniste et de sa méconnaissance par le grand nombre est sans doute représenté par un phénomène passif : le " trop plein " ou " l'excès " de mémoire dont parle Paul Ricœur dans un récent ouvrage ("La Mémoire, l'Histoire, l'Oubli") et qu'il dénonce d'une manière générale... Après le cataclysme de 1939-1945, bien plus encore qu'après la guerre de 1914-1918, les études des historiens ne pouvaient qu'être monumentales, fort nombreuses et prolongées. À ces études sont venues s'ajouter logiquement les multiples commentaires et interprétations des politiques et puis, bien sûr, les interventions diverses des polémistes et des partisans : une " montagne " de mémoire en est résultée que les médias de notre époque, notamment la télévision, nous livrent chaque jour. Indépendamment des perspectives et des intentions diverses qui sous-tendent cette information constante et multiforme, la place forcément éminente qu'occupe le génocide des Juifs par les nazis, et partant l'émotion suscitée, ont manifestement joué de façon exceptionnelle en faveur de l'entreprise sioniste, d'abord en faisant négliger la très importante littérature juive formellement opposée à son projet territorial et en supprimant toute réflexion prospective quant aux risques pour l'avenir d'un État spécifiquement " juif ", ensuite en voilant la réalité de son présent sur le terrain.

À côté de ce premier phénomène, on peut affirmer d'autre part aujourd'hui que l'information relative au Proche-Orient en provenant majoritairement d'une source, juive en la circonstance, a été gravement déformée, que l'interprétation des événements a été terriblement partiale et injuste pendant de nombreuses années ( « la mémoire sioniste a régné aux dépens de celle des Palestiniens » écrit l'historien israélien Ilan Pappé), bref que la méconnaissance des données du problème est la principale cause de cette indifférence de l'opinion publique occidentale qui n'a manifestement pas pris la mesure de la gravité potentielle des " événements " qu'on lui rapporte chaque jour depuis tant d'années.

Il est d'ailleurs remarquable de constater que - à côté de la multiplicité des informations rapportées en la matière - les commentaires et les jugements que l'on peut voir dans la Presse française émanant de journalistes ou d'hommes de lettres sont fort rares. Il est patent aussi que beaucoup de commentateurs non-Juifs apparaissent souvent comme mal à l'aise dans leur rédaction... Quant aux Juifs, religieux ou non, leur situation souvent ambiguë face à Israël, la mauvaise conscience que nombre d'entre eux ont de ne pas y vivre, de ne pas avoir fait leur « aliya » malgré les multiples et pressantes invitations reçues, les rend souvent terriblement aveugles et silencieux. Bien que non enfermé dans une tour d'ivoire, Lévinas expliquait ainsi : « Je m'interdis de parler d'Israël, ne courant pas cette noble aventure et ce risque quotidien » tandis qu'ÉlieWiesel a pu écrire : « Je ne critique jamais lsraël hors d'Israël, c'est le prix que j'accepte de payer pour ne pas y vivre ». Et, a-t-on jamais entendu, par exemple, un rabbin français ou une organisation d'obédience juive dénoncer la torture utilisée en Israël et, fait unique au monde, légalisée ?

Enfin, il faut bien voir que le judaïsme comme les autres traditions religieuse, entreprises humaines par excellence, contient des éléments potentiellement pervers qu'il s'agit de reconnaître. Le fameux « Qui n'est pas avec moi est contre moi » évangélique n'est-il pas à la base de tous les totalitarismes après avoir entraîné le christianisme dans de folles aventures ?

Bref, il est clair que nombre d'observateurs, ou bien n'ont pas intégré, à propos du sionisme, de nombreuses données d'ordre historique ou religieux, ou bien ne se sont pas comportés en hommes libres, à l'instar d'hommes éminents comme J.P. Sartre quand il écrit : « Je ne peux pas soutenir la politique de l'État d'Israël, mais je ne peux pas non plus m'élever contre elle car alors je me retrouverais dans le camp détestable des antisémites ».

Je dois reconnaître que j'éprouve quelque aversion pour de telles paroles...

Il reste que Jean d'Ormesson a du moins osé, en terminant un article du Figaro, formuler il y a quelques années une interrogation simple et pertinente : " Et si la création de l'État d'Israël avait été une erreur ? " À cette interrogation, ma réponse personnelle - qui semble bien être aussi celle que suggère le texte - est " oui " sans hésitation. Une mémoire manipulée jointe à une absence de liberté des hommes politiques et, d'une manière générale, des hommes ayant quelque influence sur l'opinion publique, ont manifestement contribué au développement de l'idéologie sioniste qui s'est épanouie avec la création de l'État d'Israël et qui ne cesse d'étendre chaque jour - face à une communauté internationale sidérée - ses maléfices dans les populations juives et non-juives de la Palestine. 

L'idéologie sioniste 

L'idéologie sioniste, avec le mouvement qu'elle a suscité, s'est donné pour mission de rassembler en Palestine tous les Juifs dispersés depuis deux mille ans à travers le monde (Juifs de la diaspora), d'établir un territoire peuplé exclusivement de Juifs, dans la perspective de leur assurer, compte tenu des persécutions dont ils furent souvent victimes, une sécurité définitive. Bien que précédée d'initiatives diverses qui, au cours des siècles, avaient pour but une ré-appropriation de la Palestine, elle ne s'est vraiment structurée qu'à la fin du XIXe siècle avec Théodore Herzl. Elle s'est développée pendant la première moitié du XXe siècle malgré l'opposition prolongée de la grande majorité des Juifs et, à la faveur de la seconde guerre mondiale, s'est concrétisée avec la création de l'État d'Israël en Palestine.

Le sionisme repose sur deux données fondamentales et conjointes du judaïsme : - une donnée d'ordre religieux : le mythe biblique de la " Terre promise " à un " Peuple élu ", - une donnée d'ordre légal : la loi établissant la " race " juive. À ces données il convient d'associer : - les écrits xénophobes du judaïsme.

1 - Le mythe biblique de " la Terre promise " et du " Peuple élu " est le premier pilier de l'idéologie sioniste

Selon ce mythe, les Hébreux et leur dieu, Yahvé, ont élaboré, voici quelque trois mille ans, un contrat (l'Alliance) selon lequel les Hébreux, moyennant obéissance à ce dieu, constituent son peuple privilégié, le Peuple élu, et reçoivent en héritage une terre particulière, la Terre promise.

C'est sur les données de ce mythe fondamental du judaïsme qu'est bâtie tout entière l'idéologie sioniste et que s'est fondé le " droit historique " sur la Palestine. Même les sionistes non religieux et athées, tels les Pères fondateurs et la majorité des Israéliens actuels, ont exploité et exploitent toujours ce mythe originel de la Terre promise par un dieu qui, pourtant, n'existe pas pour eux. Il ne faut pas être surpris de cet apparent paradoxe... C'est que, comme tous les mythes, celui-ci ne possède pas seulement une dimension religieuse mais une dimension culturelle. Malgré l'émergence dans les esprits de son caractère légendaire, il n'en continue pas moins à imprégner durablement la civilisation qui l'a porté, à meubler son imaginaire collectif et, partant, à mobiliser des énergies colossales et aveugles. André Chouraqui , qui fut conseiller de Ben Gourion, ne nous dit-il pas que " la Torah est le livre de l'Alliance du ciel et de la terre " et qu'"Israël est devenu objectivement le peuple de l'Alliance" compte tenu qu'il y a en Israël des juifs, des chrétiens et des musulmans ?

À noter que ce mythe de l'Alliance conclue entre un dieu et un peuple - comme les autres mythes hébreux (la Création, le Paradis terrestre, le Péché originel...) - a été adopté aussi par les chrétiens qui seront à la fois complices et victimes de l'idéologie sioniste. À noter en particulier que les chrétiens millénaristes des États-Unis voient toujours la naissance de l'État d'Israël et son expansion territoriale comme une étape nécessaire aux projets de Dieu pour l'humanité avec in fine la conversion des Juifs au christianisme et le retour de Jésus le Messie dans sa parousie !

À propos de ce mythe fondateur il est intéressant d'évoquer ce qui semble bien représenter une récente et fabuleuse découverte. Selon Messod et Roger Sabbah , des chercheurs juifs, le peuple hébreu ne serait autre que le peuple égyptien d'Akhet-Aton, la capitale du pharaon monothéiste Akhenaton ! Quand on a mesuré les gigantesques conséquences que la croyance au mythe de la Terre promise a entraînées dans l'Histoire, notamment depuis un siècle avec le mouvement sioniste et si, par ailleurs, on suit l'hypothèse très vraisemblable de divers historiens contemporains selon lesquels les Juifs du Maghreb seraient des Berbères judaïsés à l'époque romaine tandis que les musulmans de la Palestine arabe seraient des Juifs convertis à l'islam dans les premiers temps de la conquête, comment ne pas parler des conséquences abyssales où peuvent conduire les illusions humaines !

2 - La loi rabbinique de transmission héréditaire de la judéité

Alors que les adeptes de la plupart des religions n'ont que le lien d'une croyance commune, et que ce caractère d'adepte est accessible à tous, le judaïsme établit un lien particulier d'ordre héréditaire. Fait rare dans l'Histoire de l'humanité, la naissance est le vrai critère d'appartenance : la loi établit, en effet, que le caractère de juif est transmis par le sang maternel. Ce caractère est de plus indélébile : même en cas d'apostasie du judaïsme ou de mariage mixte (qui équivaut à une apostasie), tout sujet reste juif selon le Talmud. (À noter que pour l'Église aussi, tout au moins en Espagne du XVe au XVIIIe siècles, un juif baptisé reste un juif, c'est-à-dire un " fils de Satan ").

Certes, la Loi fondamentale de l'État d'Israël, conformément à la loi juive, prévoit des apports étrangers par conversion ( " est considérée comme juive une personne née d'une mère juive, ou convertie ") mais les conditions exigées concrètement sont telles - notamment celle de pratiquer les 613 commandements de la Torah - que, sauf exception, un goy ne devient pas juif. À noter que le terme de goy qui fut appliqué initialement aux chrétiens, ensuite à tous les étrangers, s'apparente à celui de goujat (en hébreu, goja désigne une servante chrétienne).

Il convient d'ajouter que ce marquage par le sang institué par la loi de transmission héréditaire de la qualité de juif se trouve complété et aggravé par un marquage dans la chair : la circoncision. Dans le judaïsme, en effet, la circoncision n'est pas seulement la pratique d'un autre âge - malgré les tentatives de lui donner une justification médicale au siècle dernier - elle revêt une signification précise : c'est le signe de l'Alliance éternelle d'un individu avec Yahvé le dieu de la mythologie hébraïque. Le judaïsme va ainsi comporter, par rapport aux autres traditions religieuses, une dimension qui lui est pratiquement spécifique : la dimension raciale. Désormais cet enfant qui vient de naître comme juif ne sera plus - quelles que soient ses futures options spirituelles - tout à fait libre : les séquelles de son sexe mutilé lui rappelleront chaque jour de sa vie qu'il fait partie d'une " race " à part, qu'il n'est pas comme les autres (à moins qu'il se voie " normal " et qu'il voie les autres " anormaux ").

Alors que, comme le dit le philosophe israélien Y. Leibowitz , " la notion de "juif" n'était à l'origine ni raciale, ni nationale mais religieuse ", une évolution s'est produite : la condition raciale (l'hérédité) est nécessaire et suffisante pour être juif et citoyen d'Israël, la condition religieuse (la croyance) absolument facultative. Quant à J. C. Attias , après avoir constaté que nombre de juifs " n'observent plus le shabat ", " s'habillent comme tout le monde ", que " les traits discriminants dont l'histoire les avait affublés sont en train de disparaître ", il dit de son côté qu '" il ne reste plus que la race " comme élément distinctif entre un Juif et un non-Juif, cette race qui se transmet par la femme malgré son statut inférieur à celui des hommes, ceux-ci se réservant la transmission du savoir et des valeurs du judaïsme.

Les écrits xénophobes du judaïsme

Alors que nombre d'écrits du judaïsme comportent une dimension universaliste hautement respectueuse de l'étranger " N'humilie pas l'étranger, ni l'opprimé, car vous avez été étrangers en Égypte ! N'humilie jamais la veuve ni l'orphelin " (Exode, XXII, 20) ; " N'aie aucune pensée de haine pour ton frères Tu aimeras ton prochain, il est comme toi " .... " Tu aimeras l'étranger qui s'installe chez toi comme toi-même " (Lévitique XIX, 17-18 et 34) ; " Ma maison sera une maison de prière pour tous les peuples " (Isaïe VXI, 7), alors que le monothéisme intransigeant du judaïsme a puissamment contribué à promouvoir l'égalité entre les hommes tous créés à l'image de Dieu et à susciter la générosité qui a pu guider les pionniers du socialisme, les sionistes ont occulté délibérément ces données pour ne retenir que celles qui exaltent l'ethnocentrisme et où le non-Juif, qu'il soit étranger ou résidant en Israël, est toujours un gentil, un goy.

Découlant directement du mythe et de la loi raciale instituant le peuple juif comme un peuple différent des autres et séparant les hommes en Juifs et non-Juifs, bien des écrits émanant du judaïsme, notamment du Talmud, sont venus conforter les sionistes dans leur entreprise de retour en terre de Palestine et d'accaparement de cette terre au bénéfice des seuls Juifs....

" Tu n'auras pas d'autres dieux face à moi " dit Yahvé aux Hébreux (Ex XX, 3). Et à ce dieu exclusif s'adresseront les supplications et prières de son peuple : " Dieu ! si tu voulais massacrer l'infidèle ! Hommes sanguinaires, éloignez-vous de moi... Seigneur, comment ne pas haïr ceux qui te combattent ? Je les hais d'une haine parfaite, ils sont devenus mes propres ennemis (Ps 139, 19-22). " Par ta fidélité tu extermineras mes ennemis et tu feras périr tous mes adversaires, car je suis ton serviteur " (Psaume 143, 12).

Ainsi parle le Seigneur Dieu : " Aucun étranger, incirconcis de cœur et incirconcis de chair, n'entrera dans mon sanctuaire, aucun étranger qui demeure au milieu des fils d'Israël " (Ez. 44, 9).
Le Deutéronome précise le sort qu'il convient de réserver aux idolâtres : " Si ton frère, fils de ta mère, ou ton fils ou ta fille ou la femme que tu serres contre ton cœur, ou ton prochain qui est comme toi-même, vient en cachette te faire cette proposition : "Allons servir d'autres dieux" - ces dieux que ni toi ni ton père vous ne connaissez, parmi les dieux des peuples proches ou lointains qui vous entourent d'un bout à l'autre du pays - tu n'accepteras pas, tu ne l'écouteras pas, tu ne t'attendriras pas sur lui, tu n'auras pas pitié, tu ne le défendras pas ; au contraire, tu dois absolument le tuer. Ta main sera la première pour le mettre à mort, et la main de tout le peuple suivra ; tu le lapideras, et il mourra pour avoir cherché à t'entraîner loin du Seigneur ton Dieu. " (Deut. 13, 7-11).

Yahvé n'est pas tendre pour les opposants à son peuple : " Je vais punir Amalec de ce qu'il a fait à Israël en s'opposant à lui quand il remontait d'Égypte. Va maintenant, tu battras Amalec et vous vouerez à l'anathème tout ce qui est à lui : tu n'auras pas pitié de lui et tu mettras à mort hommes et femmes, enfançons et nourrissons, bœufs et moutons, chameaux et ânes " (Samuel XV, 2-3).

Et puis, n'est-il pas écrit dans la Torah : " qu'Israël vivra en solitaire et ne se confondra pas avec les nations " (Nombres, 23, 94) ? N'est-il pas défendu à un Juif de boire du vin versé par un non-Juif ou d'épouser une non-Juive ? N'est-il pas dit que le Juif religieux doit, chaque matin, bénir Dieu de l'avoir créé Juif et non autre ? N'est-il pas écrit, dans la Halakha, qu'un Juif peut transgresser le Shabbat pour sauver la vie d'un autre Juif, mais non de celle d'un non-Juif ? 
 
N'est-il pas prescrit au Juif pratiquant de prononcer chaque matin les paroles de la prière du Shaharit : " Béni soit l'Éternel qui ne m'a pas fait goy, Béni soit l'Éternel qui ne m'a pas fait femme. Béni soit l'Éternel qui ne m'a pas fait esclave " ?

N'étaient-ils pas dans leur droit ces Hébreux emmenés par Josué lorsque, comme le recommande la Torah, ils ont exterminé les populations de Canaan lors de la conquête de la Terre promise : " Vous chasserez devant vous tous les habitants du pays car c'est à vous que je le donne à titre de possession... Si vous ne dépossédez pas à votre profit tous les habitants, ceux que vous aurez épargnés seront comme des épines dans vos yeux et vous harcèleront sur le territoire que vous occuperez " (Nombres, 35, 53-55)

Et dans le psaume 137, n'est-il pas prévu de " broyer sur le roc les bébés de Babylone " ?

Dans la Bible, on lit aussi : " Lorsque le Seigneur ton Dieu t'aura fait entrer dans le pays et qu'il aura chassé devant toi les nations nombreuses, tu les voueras totalement à l'interdit (Deut. VII, 1-2) " et tu les supprimeras. " (Deut. VII, 24).

" Qu'Israël se réjouisse en son Créateur, que les enfants de Zion se réjouissent en leur Roi [...] Qu'ils chantent pour la joie sur leurs couchettes ! Que les louanges élevées vers Dieu ne quittent pas leurs gorges et que les sabres à deux pointes ne quittent pas leurs mains, afin de faire descendre la vengeance dévastatrice sur les nations et le châtiment sur les peuples " (Psaume 149).

Le grand mystique juif Moshe Luzzatto (1706-1746) intégrera parfaitement ces données : " Dans le monde à venir, affirme-t-il sans ambages, aucune nation n'a de place à l'exception d'Israël ".

À ce propos, Schattner rapporte une donnée tout à fait caractéristique d'une certaine évolution de l'éthique juive. Alors que dans une version ancienne de la Mishna il est dit : " Qui a détruit une vie a détruit tout un monde et qui a sauvé une vie a sauvé tout un monde ", les versions imprimées ultérieurement sont devenues : " Qui a détruit une vie au sein d'Israël a détruit tout un monde et qui a sauvé une vie en Israël a sauvé tout un monde ". Le rabbin Ginburg de la yeshiva du tombeau de Joseph (près de Naplouse) vient confirmer cette donnée devenue banale dans les milieux religieux sionistes quand il affirme qu'" une vie juive vaut beaucoup plus qu'une vie non juive ".

Le " sol ", le " sang " et les écrits xénophobes, tels sont les trois piliers fondamentaux du sionisme. Mais ce sont aussi de riches ingrédients politiques. Puisés dans l'héritage religieux du judaïsme, sécularisés et habilement présentés, ils vont guider dans un ethnocentrisme exacerbé toute l'entreprise sioniste.

Si nous parlons du sionisme nous ne méconnaissons pas le fait que cette idéologie s'exprime sous des nuances très diverses. On a pu distinguer notamment : 

- le sionisme politique - celui qui est lié à Theodor Herzl - et pour qui l'obtention des droits politiques était le préalable indispensable pour promouvoir un État en Palestine ;

- le sionisme religieux visant non seulement à obtenir la liberté politique des Juifs mais à restaurer la religion à la lumière de la Thora et de ses commandements. Aux deux piliers du sionisme que sont le sol et au sang, les religieux ajoutent Yahvé ; 

- le sionisme socialiste qui se proposait d'opérer la fusion entre sionisme et socialisme. Il inspira de nombreux kibboutzim et suscita divers mouvements de jeunesse. - le sionisme pragmatique axé sur les moyens pratiques de réaliser les objectifs du sionisme : l'immigration (l'Aliya), le peuplement des zones rurales en priorité pour occuper le maximum de terrain et les institutions éducatives.

À noter que ces nuances permettent avant tout de prendre conscience de la formidable organisation dont les divers composants (socialistes, religieux, libéraux, fascistes, nationalistes...) peuvent diverger sur les moyens à mettre en œuvre mais sont tous tributaires du mythe de l'Alliance et de la loi fondant la judéité, avec comme objectif commun à la fois simple et précis : la conquête de la Palestine historique considérée comme terre éternelle du peuple juif.

André Gaillard, Le sionisme en Palestine-Israël.