Monday, September 15, 2014

Les magouilles de la CIA en Asie centrale musulmane



Le livre de Steve Coll, « Ghost Wars », relate l'histoire des opérations secrètes menées par les services secrets américains en Asie centrale dans les années précédant le 11 septembre 2001. Parmi ses révélations, on découvre avec stupeur que les États-Unis mènent des incursions sur le territoire soviétique, risquant par-là de déclencher une guerre thermonucléaire au moment où les tensions de la guerre froide sont à leur comble.

Coll cite Robert Gates, à l'époque assistant du directeur de la CIA Williarn Casey, puis plus tard directeur lui-même, qui confirme que les moudjahidins soutenus par les États-Unis, « commencent des opérations de l'autre côté de la frontière de l'Union soviétique » au cours du printemps 1985. Ces attaques, dit-il, sont menées « avec l'assentiment de Casey. »

Mohammed Yousaf, alors officier du ISI, les services secrets pakistanais, se souvient qu'alors « Casey déclare qu'il y a une population musulmane importante de l'autre côté de l'Amu-Darya, que l'on peut amener à l'action, et qui est en mesure de faire de gros dégâts à l'Union soviétique. » Yousaf prétend que Casey a ajouté : « Nous devrions utiliser les traductions du Coran en langue ouzbèke réalisées par la CIA et tenter de soulever les populations locales contre eux. »

En avril 1987, les scandales de l'Irangate et des Contras font rage à Washington. Mais la CIA poursuit son ancien jeu préféré. « Au moment de la fonte des neiges, écrit Coll, trois unités équipées par l'ISI pénètrent secrètement en Asie centrale soviétique en traversant l'Amu-Darya. La première équipe tire une roquette contre un aéroport près de Termez en Ouzbékistan. La deuxième, un groupe d'une vingtaine de rebelles équipés de lance-roquettes et de mines antichars, a reçu comme instructions de l'ISI de monter des embuscades violentes le long d'une route longeant la frontière. Ils détruisent plusieurs véhicules soviétiques. Une troisième équipe frappe un site industriel situé à une quinzaine de kilomètres en territoire soviétique avec un tir de barrage de plus de trente roquettes explosives ou incendiaires de 107 mm. Les attaques ont lieu au moment où la CIA fait circuler les photos satellites d'émeutes à Alma-Ata (aujourd'hui Almaity), capitale d'une république soviétique d'Asie centrale. »

Finalement, « les Russes en ont assez des attaques sur leur sol. Alors qu'ils comptent leurs morts en Asie centrale en ce mois d'avril, ils envoient des émissaires à Istanbul et Washington avec un message très clair dans lequel ils menacent « la sécurité et l'intégrité du Pakistan », en clair, une invasion... les attaques cessent. »

Plusieurs des dirigeants d'Asie centrale actuels sont déjà en poste à l'époque, ils ont tous d'importantes responsabilités dans leurs républiques respectives. Leur souvenir de la campagne des États-Unis visant à mettre à bas l'Union soviétique, au final couronnée de succès, ne doit pas avoir disparu de leur mémoire. 
 
Ted Rall