Monday, September 15, 2014

Le sionisme en Palestine-Israël



Depuis quelque quatre-vingts ans, et plus précisément depuis 1922, date où la Grande-Bretagne reçut en charge, de la part de la Société des Nations, un Mandat sur la Palestine à la suite de la défaite des empires centraux, depuis 1947 surtout, date où l'ONU scinda le pays pour y créer deux États, l'un juif, l'autre arabe, il ne s'est guère passé de jour sans que les journaux ne nous apportent une information relative à cette région du Proche-Orient où s'affrontent de façon ininterrompue et plus ou moins violente deux communautés : les Juifs d'une part, les non-Juifs d'autre part, ces derniers étant représentés avant tout par des Arabes musulmans.

Les informations n'ont donc pas manqué sur ce sujet. Pourtant, une fraction notable des Occidentaux, notamment dans l'élite intellectuelle et politique, est comme indifférente au drame quotidien qui se joue en Palestine. Un phénomène banal d'accoutumance et de lassitude en est sûrement une raison notable, mais plusieurs éléments sont venus néanmoins y contribuer puissamment.

Le premier élément favorable au développement de l'idéologie sioniste et de sa méconnaissance par le grand nombre est sans doute représenté par un phénomène passif : le " trop plein " ou " l'excès " de mémoire dont parle Paul Ricœur dans un récent ouvrage ("La Mémoire, l'Histoire, l'Oubli") et qu'il dénonce d'une manière générale... Après le cataclysme de 1939-1945, bien plus encore qu'après la guerre de 1914-1918, les études des historiens ne pouvaient qu'être monumentales, fort nombreuses et prolongées. À ces études sont venues s'ajouter logiquement les multiples commentaires et interprétations des politiques et puis, bien sûr, les interventions diverses des polémistes et des partisans : une " montagne " de mémoire en est résultée que les médias de notre époque, notamment la télévision, nous livrent chaque jour. Indépendamment des perspectives et des intentions diverses qui sous-tendent cette information constante et multiforme, la place forcément éminente qu'occupe le génocide des Juifs par les nazis, et partant l'émotion suscitée, ont manifestement joué de façon exceptionnelle en faveur de l'entreprise sioniste, d'abord en faisant négliger la très importante littérature juive formellement opposée à son projet territorial et en supprimant toute réflexion prospective quant aux risques pour l'avenir d'un État spécifiquement " juif ", ensuite en voilant la réalité de son présent sur le terrain.

À côté de ce premier phénomène, on peut affirmer d'autre part aujourd'hui que l'information relative au Proche-Orient en provenant majoritairement d'une source, juive en la circonstance, a été gravement déformée, que l'interprétation des événements a été terriblement partiale et injuste pendant de nombreuses années ( « la mémoire sioniste a régné aux dépens de celle des Palestiniens » écrit l'historien israélien Ilan Pappé), bref que la méconnaissance des données du problème est la principale cause de cette indifférence de l'opinion publique occidentale qui n'a manifestement pas pris la mesure de la gravité potentielle des " événements " qu'on lui rapporte chaque jour depuis tant d'années.

Il est d'ailleurs remarquable de constater que - à côté de la multiplicité des informations rapportées en la matière - les commentaires et les jugements que l'on peut voir dans la Presse française émanant de journalistes ou d'hommes de lettres sont fort rares. Il est patent aussi que beaucoup de commentateurs non-Juifs apparaissent souvent comme mal à l'aise dans leur rédaction... Quant aux Juifs, religieux ou non, leur situation souvent ambiguë face à Israël, la mauvaise conscience que nombre d'entre eux ont de ne pas y vivre, de ne pas avoir fait leur « aliya » malgré les multiples et pressantes invitations reçues, les rend souvent terriblement aveugles et silencieux. Bien que non enfermé dans une tour d'ivoire, Lévinas expliquait ainsi : « Je m'interdis de parler d'Israël, ne courant pas cette noble aventure et ce risque quotidien » tandis qu'ÉlieWiesel a pu écrire : « Je ne critique jamais lsraël hors d'Israël, c'est le prix que j'accepte de payer pour ne pas y vivre ». Et, a-t-on jamais entendu, par exemple, un rabbin français ou une organisation d'obédience juive dénoncer la torture utilisée en Israël et, fait unique au monde, légalisée ?

Enfin, il faut bien voir que le judaïsme comme les autres traditions religieuse, entreprises humaines par excellence, contient des éléments potentiellement pervers qu'il s'agit de reconnaître. Le fameux « Qui n'est pas avec moi est contre moi » évangélique n'est-il pas à la base de tous les totalitarismes après avoir entraîné le christianisme dans de folles aventures ?

Bref, il est clair que nombre d'observateurs, ou bien n'ont pas intégré, à propos du sionisme, de nombreuses données d'ordre historique ou religieux, ou bien ne se sont pas comportés en hommes libres, à l'instar d'hommes éminents comme J.P. Sartre quand il écrit : « Je ne peux pas soutenir la politique de l'État d'Israël, mais je ne peux pas non plus m'élever contre elle car alors je me retrouverais dans le camp détestable des antisémites ».

Je dois reconnaître que j'éprouve quelque aversion pour de telles paroles...

Il reste que Jean d'Ormesson a du moins osé, en terminant un article du Figaro, formuler il y a quelques années une interrogation simple et pertinente : " Et si la création de l'État d'Israël avait été une erreur ? " À cette interrogation, ma réponse personnelle - qui semble bien être aussi celle que suggère le texte - est " oui " sans hésitation. Une mémoire manipulée jointe à une absence de liberté des hommes politiques et, d'une manière générale, des hommes ayant quelque influence sur l'opinion publique, ont manifestement contribué au développement de l'idéologie sioniste qui s'est épanouie avec la création de l'État d'Israël et qui ne cesse d'étendre chaque jour - face à une communauté internationale sidérée - ses maléfices dans les populations juives et non-juives de la Palestine. 

L'idéologie sioniste 

L'idéologie sioniste, avec le mouvement qu'elle a suscité, s'est donné pour mission de rassembler en Palestine tous les Juifs dispersés depuis deux mille ans à travers le monde (Juifs de la diaspora), d'établir un territoire peuplé exclusivement de Juifs, dans la perspective de leur assurer, compte tenu des persécutions dont ils furent souvent victimes, une sécurité définitive. Bien que précédée d'initiatives diverses qui, au cours des siècles, avaient pour but une ré-appropriation de la Palestine, elle ne s'est vraiment structurée qu'à la fin du XIXe siècle avec Théodore Herzl. Elle s'est développée pendant la première moitié du XXe siècle malgré l'opposition prolongée de la grande majorité des Juifs et, à la faveur de la seconde guerre mondiale, s'est concrétisée avec la création de l'État d'Israël en Palestine.

Le sionisme repose sur deux données fondamentales et conjointes du judaïsme : - une donnée d'ordre religieux : le mythe biblique de la " Terre promise " à un " Peuple élu ", - une donnée d'ordre légal : la loi établissant la " race " juive. À ces données il convient d'associer : - les écrits xénophobes du judaïsme.

1 - Le mythe biblique de " la Terre promise " et du " Peuple élu " est le premier pilier de l'idéologie sioniste

Selon ce mythe, les Hébreux et leur dieu, Yahvé, ont élaboré, voici quelque trois mille ans, un contrat (l'Alliance) selon lequel les Hébreux, moyennant obéissance à ce dieu, constituent son peuple privilégié, le Peuple élu, et reçoivent en héritage une terre particulière, la Terre promise.

C'est sur les données de ce mythe fondamental du judaïsme qu'est bâtie tout entière l'idéologie sioniste et que s'est fondé le " droit historique " sur la Palestine. Même les sionistes non religieux et athées, tels les Pères fondateurs et la majorité des Israéliens actuels, ont exploité et exploitent toujours ce mythe originel de la Terre promise par un dieu qui, pourtant, n'existe pas pour eux. Il ne faut pas être surpris de cet apparent paradoxe... C'est que, comme tous les mythes, celui-ci ne possède pas seulement une dimension religieuse mais une dimension culturelle. Malgré l'émergence dans les esprits de son caractère légendaire, il n'en continue pas moins à imprégner durablement la civilisation qui l'a porté, à meubler son imaginaire collectif et, partant, à mobiliser des énergies colossales et aveugles. André Chouraqui , qui fut conseiller de Ben Gourion, ne nous dit-il pas que " la Torah est le livre de l'Alliance du ciel et de la terre " et qu'"Israël est devenu objectivement le peuple de l'Alliance" compte tenu qu'il y a en Israël des juifs, des chrétiens et des musulmans ?

À noter que ce mythe de l'Alliance conclue entre un dieu et un peuple - comme les autres mythes hébreux (la Création, le Paradis terrestre, le Péché originel...) - a été adopté aussi par les chrétiens qui seront à la fois complices et victimes de l'idéologie sioniste. À noter en particulier que les chrétiens millénaristes des États-Unis voient toujours la naissance de l'État d'Israël et son expansion territoriale comme une étape nécessaire aux projets de Dieu pour l'humanité avec in fine la conversion des Juifs au christianisme et le retour de Jésus le Messie dans sa parousie !

À propos de ce mythe fondateur il est intéressant d'évoquer ce qui semble bien représenter une récente et fabuleuse découverte. Selon Messod et Roger Sabbah , des chercheurs juifs, le peuple hébreu ne serait autre que le peuple égyptien d'Akhet-Aton, la capitale du pharaon monothéiste Akhenaton ! Quand on a mesuré les gigantesques conséquences que la croyance au mythe de la Terre promise a entraînées dans l'Histoire, notamment depuis un siècle avec le mouvement sioniste et si, par ailleurs, on suit l'hypothèse très vraisemblable de divers historiens contemporains selon lesquels les Juifs du Maghreb seraient des Berbères judaïsés à l'époque romaine tandis que les musulmans de la Palestine arabe seraient des Juifs convertis à l'islam dans les premiers temps de la conquête, comment ne pas parler des conséquences abyssales où peuvent conduire les illusions humaines !

2 - La loi rabbinique de transmission héréditaire de la judéité

Alors que les adeptes de la plupart des religions n'ont que le lien d'une croyance commune, et que ce caractère d'adepte est accessible à tous, le judaïsme établit un lien particulier d'ordre héréditaire. Fait rare dans l'Histoire de l'humanité, la naissance est le vrai critère d'appartenance : la loi établit, en effet, que le caractère de juif est transmis par le sang maternel. Ce caractère est de plus indélébile : même en cas d'apostasie du judaïsme ou de mariage mixte (qui équivaut à une apostasie), tout sujet reste juif selon le Talmud. (À noter que pour l'Église aussi, tout au moins en Espagne du XVe au XVIIIe siècles, un juif baptisé reste un juif, c'est-à-dire un " fils de Satan ").

Certes, la Loi fondamentale de l'État d'Israël, conformément à la loi juive, prévoit des apports étrangers par conversion ( " est considérée comme juive une personne née d'une mère juive, ou convertie ") mais les conditions exigées concrètement sont telles - notamment celle de pratiquer les 613 commandements de la Torah - que, sauf exception, un goy ne devient pas juif. À noter que le terme de goy qui fut appliqué initialement aux chrétiens, ensuite à tous les étrangers, s'apparente à celui de goujat (en hébreu, goja désigne une servante chrétienne).

Il convient d'ajouter que ce marquage par le sang institué par la loi de transmission héréditaire de la qualité de juif se trouve complété et aggravé par un marquage dans la chair : la circoncision. Dans le judaïsme, en effet, la circoncision n'est pas seulement la pratique d'un autre âge - malgré les tentatives de lui donner une justification médicale au siècle dernier - elle revêt une signification précise : c'est le signe de l'Alliance éternelle d'un individu avec Yahvé le dieu de la mythologie hébraïque. Le judaïsme va ainsi comporter, par rapport aux autres traditions religieuses, une dimension qui lui est pratiquement spécifique : la dimension raciale. Désormais cet enfant qui vient de naître comme juif ne sera plus - quelles que soient ses futures options spirituelles - tout à fait libre : les séquelles de son sexe mutilé lui rappelleront chaque jour de sa vie qu'il fait partie d'une " race " à part, qu'il n'est pas comme les autres (à moins qu'il se voie " normal " et qu'il voie les autres " anormaux ").

Alors que, comme le dit le philosophe israélien Y. Leibowitz , " la notion de "juif" n'était à l'origine ni raciale, ni nationale mais religieuse ", une évolution s'est produite : la condition raciale (l'hérédité) est nécessaire et suffisante pour être juif et citoyen d'Israël, la condition religieuse (la croyance) absolument facultative. Quant à J. C. Attias , après avoir constaté que nombre de juifs " n'observent plus le shabat ", " s'habillent comme tout le monde ", que " les traits discriminants dont l'histoire les avait affublés sont en train de disparaître ", il dit de son côté qu '" il ne reste plus que la race " comme élément distinctif entre un Juif et un non-Juif, cette race qui se transmet par la femme malgré son statut inférieur à celui des hommes, ceux-ci se réservant la transmission du savoir et des valeurs du judaïsme.

Les écrits xénophobes du judaïsme

Alors que nombre d'écrits du judaïsme comportent une dimension universaliste hautement respectueuse de l'étranger " N'humilie pas l'étranger, ni l'opprimé, car vous avez été étrangers en Égypte ! N'humilie jamais la veuve ni l'orphelin " (Exode, XXII, 20) ; " N'aie aucune pensée de haine pour ton frères Tu aimeras ton prochain, il est comme toi " .... " Tu aimeras l'étranger qui s'installe chez toi comme toi-même " (Lévitique XIX, 17-18 et 34) ; " Ma maison sera une maison de prière pour tous les peuples " (Isaïe VXI, 7), alors que le monothéisme intransigeant du judaïsme a puissamment contribué à promouvoir l'égalité entre les hommes tous créés à l'image de Dieu et à susciter la générosité qui a pu guider les pionniers du socialisme, les sionistes ont occulté délibérément ces données pour ne retenir que celles qui exaltent l'ethnocentrisme et où le non-Juif, qu'il soit étranger ou résidant en Israël, est toujours un gentil, un goy.

Découlant directement du mythe et de la loi raciale instituant le peuple juif comme un peuple différent des autres et séparant les hommes en Juifs et non-Juifs, bien des écrits émanant du judaïsme, notamment du Talmud, sont venus conforter les sionistes dans leur entreprise de retour en terre de Palestine et d'accaparement de cette terre au bénéfice des seuls Juifs....

" Tu n'auras pas d'autres dieux face à moi " dit Yahvé aux Hébreux (Ex XX, 3). Et à ce dieu exclusif s'adresseront les supplications et prières de son peuple : " Dieu ! si tu voulais massacrer l'infidèle ! Hommes sanguinaires, éloignez-vous de moi... Seigneur, comment ne pas haïr ceux qui te combattent ? Je les hais d'une haine parfaite, ils sont devenus mes propres ennemis (Ps 139, 19-22). " Par ta fidélité tu extermineras mes ennemis et tu feras périr tous mes adversaires, car je suis ton serviteur " (Psaume 143, 12).

Ainsi parle le Seigneur Dieu : " Aucun étranger, incirconcis de cœur et incirconcis de chair, n'entrera dans mon sanctuaire, aucun étranger qui demeure au milieu des fils d'Israël " (Ez. 44, 9).
Le Deutéronome précise le sort qu'il convient de réserver aux idolâtres : " Si ton frère, fils de ta mère, ou ton fils ou ta fille ou la femme que tu serres contre ton cœur, ou ton prochain qui est comme toi-même, vient en cachette te faire cette proposition : "Allons servir d'autres dieux" - ces dieux que ni toi ni ton père vous ne connaissez, parmi les dieux des peuples proches ou lointains qui vous entourent d'un bout à l'autre du pays - tu n'accepteras pas, tu ne l'écouteras pas, tu ne t'attendriras pas sur lui, tu n'auras pas pitié, tu ne le défendras pas ; au contraire, tu dois absolument le tuer. Ta main sera la première pour le mettre à mort, et la main de tout le peuple suivra ; tu le lapideras, et il mourra pour avoir cherché à t'entraîner loin du Seigneur ton Dieu. " (Deut. 13, 7-11).

Yahvé n'est pas tendre pour les opposants à son peuple : " Je vais punir Amalec de ce qu'il a fait à Israël en s'opposant à lui quand il remontait d'Égypte. Va maintenant, tu battras Amalec et vous vouerez à l'anathème tout ce qui est à lui : tu n'auras pas pitié de lui et tu mettras à mort hommes et femmes, enfançons et nourrissons, bœufs et moutons, chameaux et ânes " (Samuel XV, 2-3).

Et puis, n'est-il pas écrit dans la Torah : " qu'Israël vivra en solitaire et ne se confondra pas avec les nations " (Nombres, 23, 94) ? N'est-il pas défendu à un Juif de boire du vin versé par un non-Juif ou d'épouser une non-Juive ? N'est-il pas dit que le Juif religieux doit, chaque matin, bénir Dieu de l'avoir créé Juif et non autre ? N'est-il pas écrit, dans la Halakha, qu'un Juif peut transgresser le Shabbat pour sauver la vie d'un autre Juif, mais non de celle d'un non-Juif ? 
 
N'est-il pas prescrit au Juif pratiquant de prononcer chaque matin les paroles de la prière du Shaharit : " Béni soit l'Éternel qui ne m'a pas fait goy, Béni soit l'Éternel qui ne m'a pas fait femme. Béni soit l'Éternel qui ne m'a pas fait esclave " ?

N'étaient-ils pas dans leur droit ces Hébreux emmenés par Josué lorsque, comme le recommande la Torah, ils ont exterminé les populations de Canaan lors de la conquête de la Terre promise : " Vous chasserez devant vous tous les habitants du pays car c'est à vous que je le donne à titre de possession... Si vous ne dépossédez pas à votre profit tous les habitants, ceux que vous aurez épargnés seront comme des épines dans vos yeux et vous harcèleront sur le territoire que vous occuperez " (Nombres, 35, 53-55)

Et dans le psaume 137, n'est-il pas prévu de " broyer sur le roc les bébés de Babylone " ?

Dans la Bible, on lit aussi : " Lorsque le Seigneur ton Dieu t'aura fait entrer dans le pays et qu'il aura chassé devant toi les nations nombreuses, tu les voueras totalement à l'interdit (Deut. VII, 1-2) " et tu les supprimeras. " (Deut. VII, 24).

" Qu'Israël se réjouisse en son Créateur, que les enfants de Zion se réjouissent en leur Roi [...] Qu'ils chantent pour la joie sur leurs couchettes ! Que les louanges élevées vers Dieu ne quittent pas leurs gorges et que les sabres à deux pointes ne quittent pas leurs mains, afin de faire descendre la vengeance dévastatrice sur les nations et le châtiment sur les peuples " (Psaume 149).

Le grand mystique juif Moshe Luzzatto (1706-1746) intégrera parfaitement ces données : " Dans le monde à venir, affirme-t-il sans ambages, aucune nation n'a de place à l'exception d'Israël ".

À ce propos, Schattner rapporte une donnée tout à fait caractéristique d'une certaine évolution de l'éthique juive. Alors que dans une version ancienne de la Mishna il est dit : " Qui a détruit une vie a détruit tout un monde et qui a sauvé une vie a sauvé tout un monde ", les versions imprimées ultérieurement sont devenues : " Qui a détruit une vie au sein d'Israël a détruit tout un monde et qui a sauvé une vie en Israël a sauvé tout un monde ". Le rabbin Ginburg de la yeshiva du tombeau de Joseph (près de Naplouse) vient confirmer cette donnée devenue banale dans les milieux religieux sionistes quand il affirme qu'" une vie juive vaut beaucoup plus qu'une vie non juive ".

Le " sol ", le " sang " et les écrits xénophobes, tels sont les trois piliers fondamentaux du sionisme. Mais ce sont aussi de riches ingrédients politiques. Puisés dans l'héritage religieux du judaïsme, sécularisés et habilement présentés, ils vont guider dans un ethnocentrisme exacerbé toute l'entreprise sioniste.

Si nous parlons du sionisme nous ne méconnaissons pas le fait que cette idéologie s'exprime sous des nuances très diverses. On a pu distinguer notamment : 

- le sionisme politique - celui qui est lié à Theodor Herzl - et pour qui l'obtention des droits politiques était le préalable indispensable pour promouvoir un État en Palestine ;

- le sionisme religieux visant non seulement à obtenir la liberté politique des Juifs mais à restaurer la religion à la lumière de la Thora et de ses commandements. Aux deux piliers du sionisme que sont le sol et au sang, les religieux ajoutent Yahvé ; 

- le sionisme socialiste qui se proposait d'opérer la fusion entre sionisme et socialisme. Il inspira de nombreux kibboutzim et suscita divers mouvements de jeunesse. - le sionisme pragmatique axé sur les moyens pratiques de réaliser les objectifs du sionisme : l'immigration (l'Aliya), le peuplement des zones rurales en priorité pour occuper le maximum de terrain et les institutions éducatives.

À noter que ces nuances permettent avant tout de prendre conscience de la formidable organisation dont les divers composants (socialistes, religieux, libéraux, fascistes, nationalistes...) peuvent diverger sur les moyens à mettre en œuvre mais sont tous tributaires du mythe de l'Alliance et de la loi fondant la judéité, avec comme objectif commun à la fois simple et précis : la conquête de la Palestine historique considérée comme terre éternelle du peuple juif.

André Gaillard, Le sionisme en Palestine-Israël.