Le livre de Steve Coll,
« Ghost Wars », relate l'histoire des opérations
secrètes menées par les services secrets américains en Asie
centrale dans les années précédant le 11 septembre 2001. Parmi
ses révélations, on découvre avec stupeur que les États-Unis
mènent des incursions sur le territoire soviétique, risquant par-là
de déclencher une guerre thermonucléaire au moment où les tensions
de la guerre froide sont à leur comble.
Coll cite Robert Gates, à
l'époque assistant du directeur de la CIA Williarn Casey, puis plus
tard directeur lui-même, qui confirme que les moudjahidins soutenus
par les États-Unis, « commencent des opérations de l'autre côté
de la frontière de l'Union soviétique » au cours du printemps
1985. Ces attaques, dit-il, sont menées « avec l'assentiment de
Casey. »
Mohammed Yousaf, alors
officier du ISI, les services secrets pakistanais, se souvient
qu'alors « Casey déclare qu'il y a une population musulmane
importante de l'autre côté de l'Amu-Darya, que l'on peut amener à
l'action, et qui est en mesure de faire de gros dégâts à l'Union
soviétique. » Yousaf prétend que Casey a ajouté : « Nous
devrions utiliser les traductions du Coran en langue ouzbèke
réalisées par la CIA et tenter de soulever les populations locales
contre eux. »
En avril 1987, les scandales
de l'Irangate et des Contras font rage à Washington. Mais la CIA
poursuit son ancien jeu préféré. « Au moment de la fonte des
neiges, écrit Coll, trois unités équipées par l'ISI pénètrent
secrètement en Asie centrale soviétique en traversant l'Amu-Darya.
La première équipe tire une roquette contre un aéroport près de
Termez en Ouzbékistan. La deuxième, un groupe d'une vingtaine de
rebelles équipés de lance-roquettes et de mines antichars, a reçu
comme instructions de l'ISI de monter des embuscades violentes le
long d'une route longeant la frontière. Ils détruisent plusieurs
véhicules soviétiques. Une troisième équipe frappe un site
industriel situé à une quinzaine de kilomètres en territoire
soviétique avec un tir de barrage de plus de trente roquettes
explosives ou incendiaires de 107 mm. Les attaques ont lieu au moment
où la CIA fait circuler les photos satellites d'émeutes à Alma-Ata
(aujourd'hui Almaity), capitale d'une république soviétique d'Asie
centrale. »
Finalement, « les Russes en
ont assez des attaques sur leur sol. Alors qu'ils comptent leurs
morts en Asie centrale en ce mois d'avril, ils envoient des
émissaires à Istanbul et Washington avec un message très clair
dans lequel ils menacent « la sécurité et l'intégrité du
Pakistan », en clair, une invasion... les attaques cessent. »
Plusieurs des dirigeants
d'Asie centrale actuels sont déjà en poste à l'époque, ils ont
tous d'importantes responsabilités dans leurs républiques
respectives. Leur souvenir de la campagne des États-Unis visant à
mettre à bas l'Union soviétique, au final couronnée de succès, ne
doit pas avoir disparu de leur mémoire.
Ted Rall